Le management des équipes commerciales – Extrait du livre « Crédit et stratégie commerciale »

Il n’est pas inutile d’évoquer quelques réflexions de bon sens et d’expérience sur le management. Cet exercice trouve son application dans la sélection des managers clés du financement des ventes : le directeur général de la banque captive, bien sûr, mais aussi les responsables pays, directeurs de filiales ou de succursales, ainsi que les cadres les plus importants de ces entités.

Manager c’est prendre des décisions concernant des actions que d’autres exécutent. Il n’y a pas de bonne décision sans information de qualité. Il n’y a pas de bonne exécution sans la motivation de ceux qui agissent. Il n’y a pas d’efficacité sans contrôle. La qualité de l’information, la motivation des exécutants, la pertinence du contrôle des résultats conditionnent l’efficacité du management.

Dans la vie réelle, ces trois conditions sont rarement remplies en même temps et de manière durable. L’information est plus ou moins approximative, biaisée, transformée tout au long de la chaîne de transmission. La motivation des personnels est changeante et inégale d’un endroit à l’autre, d’une période à l’autre. Le contrôle est bien souvent réduit à son seul aspect financier.

Le bon manager

On peut distinguer globalement deux approches, deux définitions du « bon » manager.

La première, plutôt académique, met en avant la maîtrise intellectuelle des domaines clés de la gestion, comme la finance, le marketing, et le contrôle de gestion. Cette définition rejoint le credo des écoles de management et des doctes revues de business administration qui en sont le prolongement.

La seconde approche est plutôt tournée vers les qualités personnelles du manager. Le management de l’entreprise étant avant tout le management des hommes, le « bon » manager doit être un individu à forte personnalité, charismatique et doué pour la communication.

Sans être inexactes, ces approches ne sont pas vraiment satisfaisantes, comme chacun peut le constater. L’actualité révèle en effet, en nombre égal, des managers bien formés qui ont mal conduit les affaires dont ils avaient la charge et de « grands » patrons charismatiques qui ont ruiné leur entreprise.

Un diplôme de grande école et un parrain inspecteur des finances ne sont ni nécessaires ni suffisants pour être un bon manager. En revanche ces conditions sont certainement nécessaires pour l’accès à certains postes, en France du moins, mais c’est un autre problème. Contrairement donc aux apparences et au discours convenu, il ne faut pas confondre qualité des diplômes ou du réseau avec qualités managériales.

Les catégories de managers

Le monde des managers est hétérogène à bien des égards, qu’il s’agisse des profils, des attributions ou des méthodes de désignation.

Les managers de ce que l’on pourrait appeler le « premier cercle » sont les plus médiatisés. Issus le plus souvent des mêmes écoles, ils se côtoient sous et en dehors des projecteurs, par le jeu notamment des participations croisées dans les conseils d’administration. Le grand public est fondé à penser que la gestion et l’avenir des entreprises dépendent en grande partie de ces managers hors du commun, et tend à ignorer le rôle des équipes qui les assistent.

Les managers du deuxième cercle sont précisément les membres de ces équipes. Ils constituent un ensemble à la fois numériquement plus important et plus discret. Si l’on admet qu’un manager a sous ses ordres directs, en moyenne, dix personnes et que celles-ci sont à leur tour, pour la plupart, des managers, on définit ainsi une deuxième population dix fois plus importante que la précédente.

Dans les grands groupes on peut poursuivre l’exercice en descendant d’un cran et retrouver avec le même facteur multiplicateur une nouvelle population de managers. Cette troisième population est alors 10 × 10 = 100 fois plus importante que la première.

Pour compléter cette énumération, il faut considérer en outre les managers patrons de PME. La notion de PME est variable selon les pays. La définition la plus commune de la PME repose sur un effectif compris entre 15 et 1 000 personnes. Les grands groupes comptent d’ailleurs parmi leurs cadres des patrons de filiales dont le profil et les responsabilités en font de véritables patrons de PME.

En dépit de l’hétérogénéité des profils, on peut relever un certain nombre d’éléments communs à tous ces différents managers :

a – La gestion en direct d’une dizaine de personnes

L’expérience montre qu’il est difficile de gérer efficacement plus de 10 personnes en direct, ce que les Anglo-Saxons appellent les direct reports. La taille globale de l’entreprise ne change pas les données du problème. La seule différence est que certains des membres de l’équipe en question peuvent avoir, à leur tour, à gérer en direct une équipe de même importance numérique, en vertu du mécanisme de cascade décrit plus haut. La pyramide des équipes de directions hiérarchiquement reliées est naturellement plus haute dans un groupe multinational que dans une PME.

b – La responsabilité de la « bottom line »

La bottom line est, de manière imagée, la dernière ligne du compte d’exploitation, le résultat net. C’est littéralement le cas pour le patron de l’entreprise, de la filiale ou du groupe. Pour les autres managers, la bottom line est l’agrégat comptable qui exprime la rentabilité de l’entité dont ils ont la responsabilité, division ou département. C’est donc un élément qui contribue au résultat de l’ensemble dont cette division ou ce département font partie.

La taille de l’entreprise est sans incidence sur le poids de cette responsabilité. Il ne semble pas non plus que le fait d’être propriétaire ou non de l’entreprise en change la nature. Le patron de PME peut avoir toute sa fortune investie dans son entreprise. Le cadre supérieur d’un grand groupe dispose grâce aux stock-options d’un potentiel de création ou de perte d’un véritable patrimoine. Pour l’un et l’autre, la responsabilité du résultat a des conséquences psychologiques identiques en termes de motivation et de stress.

c – Le pouvoir de décision

Le pouvoir de décision est le fait qu’à un moment donné le manager va faire la part des choses, peser les éléments contraires, évaluer les recommandations données, dérouler les conséquences possibles liées aux options offertes et finalement trancher. Seul. La solitude est la marque du pouvoir de décision.

Celui qui décide met en jeu, son avenir professionnel et financier. L’absence de décision, une mauvaise décision, un choix qui tourne mal, auront comme conséquence une perte immédiate ou une situation de fragilité pouvant conduire à une détérioration de la situation financière de l’entreprise. Là aussi la taille de l’entité dirigée est sans incidence sur la notion de solitude, ou de risque encouru.

d –  La capacité à communiquer

Cette capacité est susceptible de nombreuses déclinaisons, de la communication interne en direction de certains groupes de collaborateurs à la communication vis-à-vis des médias, en passant par la communication avec les clients ou les distributeurs. On peut imaginer un patron enfermé dans sa tour d’ivoire, ne communiquant qu’avec le premier cercle de ses collaborateurs directs et déléguant à ceux-ci la responsabilité de la communication à tous les autres niveaux. Ce schéma, plutôt rare, est l’exception. C’est par exemple le choix de certains patrons-propriétaires recherchant l’anonymat.

e –  La compétence et les savoir-faire

La compétence technique est un élément parfois nécessaire mais jamais suffisant. Il est bien sûr nécessaire de maîtriser le langage financier et comptable ainsi que l’ensemble des indicateurs du tableau de bord. Une culture juridique de base, ou du moins la sensibilité juridique est également nécessaire. La plupart de ces compétences s’acquièrent par l’expérience.

Il s’ajoute à cela un certain nombre de savoir-faire qui ne peuvent pas être appris, mais seulement révélés et développés chez ceux qui en ont la capacité. Ces savoir-faire essentiels concernent la capacité à évaluer les situations et la capacité à négocier.

f –  La capacité de jugement

La capacité de jugement est la condition de l’efficacité dans tous les domaines de l’action managériale. C’est sans doute l’élément le plus important.

Plus que de savoir communiquer, par exemple, il faut savoir, ou plus exactement « sentir » quand il faut le faire, et surtout « sentir » ce qu’il faut dire, ou ne pas dire. Améliorer la qualité technique de sa communication s’apprend. Ce qui ne s’apprend pas, c’est juger dans quelles circonstances le patron doit parler lui-même, plutôt que de déléguer cette tâche. Ce qui ne s’apprend pas, c’est de pressentir le bon moment, trouver le bon message, le ton juste, atteindre la cible.

La capacité de jugement, c’est aussi savoir qu’on ne sait pas. Et si ce qu’on ne sait pas est primordial dans un contexte précis, savoir qu’il faut le trouver ailleurs. La capacité de jugement est particulièrement nécessaire au plan humain. Elle est fondamentale pour ce qui est du choix des collaborateurs directs ou affectés à des postes clés, et pour les recrutements. Elle est fondamentale dans toute négociation. La capacité d’évaluer les hommes et les situations peut s’améliorer lorsqu’elle s’est révélée, mais elle ne se crée pas.