Comment faire d’une PME une entreprise performante : interview de Patrick DUSSOSSOY

Patrick DussossoyDe formation ingénieur, Sciences Économiques et INSEAD, Patrick DUSSOSSOY a été PDG de PME pendant 25 ans. Une aventure qui comptera une création, trois métiers, et trois restructurations. Il nous présente l’ouvrage qu’il vient de signer aux Editions GERESO « Comment faire d’une PME une entreprise performante »

 

Pourquoi ce livre ?

Je pense avoir aujourd’hui assez d’antécédents dans le métier de dirigeant pour en tirer des enseignements qui peuvent être utiles aux autres. Les témoignages vivants auraient pu m’inspirer plus souvent. Parce qu’au quotidien tant de questions vont se poser, tant d’obstacles se présenter devant vous que des conseils peuvent vous aider. Et vous n’aurez pas toujours les ressources pour vous offrir en interne comme en externe les spécialistes qui pourront vous guider.

Je ne suis pas un intellectuel. Je ne suis donc pas supposé écrire. Avec mes mots, avec mon style j’ai pourtant eu envie de communiquer mes expériences, mon ressenti, parce que j’aurais aimé de tels témoignages lorsque j’étais PDG, et que je me sentais un peu seul à prendre des décisions, à prendre des risques, à essayer de sortir de difficultés.

Un livre parce que j’ai la conviction que beaucoup de dirigeants peuvent devenir performants avec les bonnes idées, les bons comportements. Pour montrer pourquoi si c’était à refaire je recommencerais.

À mi-chemin entre témoignage et apport technique, votre approche est vraiment originale ! Comment pourriez-vous la qualifier ?

Ce livre n’est pas un traité d’économie, d’analyses hautement scientifiques, ou intellectuelles ; ce n’est pas non plus un recueil de recettes de management.

C’est une suite de réflexions, de descriptions pratiques, de comportements, qui s’appuient sur des exemples vécus. Sans chercher systématiquement à généraliser, puisqu’il n’y a pas deux univers identiques d’une entreprise à l’autre, et puisque chaque responsable a ses valeurs, son style, ses opinions.

C’est une synthèse des conclusions que j’en tire sur la façon de diriger une organisation pour la rendre performante. Comment bâtir une stratégie, la conduire et s’y tenir. Comment mener son équipe, comment se comporter comme chef d’entreprise dans l’environnement actuel. Comment se projeter dans l’avenir, comment être tourné vers la réussite, comment franchir les crises. Comment garder la maîtrise de toutes les situations.

Cette ouvrage donne une large place au “je”, à votre témoignage direct, s’appuyant sur vos différentes expériences de dirigeant.

Mes parcours personnels, mes ressentis, ne servent qu’à appuyer la démonstration. Ils apportent un complément unique aux nombreuses démonstrations plus techniques, plus théoriques, de gestion d’entreprise qui sont écrites par des universitaires, des chercheurs, des psychologues, ou d’anciens cadres supérieurs.

Certains pourront trouver une partie du raisonnement trop idéaliste, utopique, parce que loin des pratiques de beaucoup d’entrepreneurs aujourd’hui. Il correspond bien à une réalité, celle que j’ai expérimentée, et à des convictions. A l’idée que je me fais du leader s’il veut inspirer une totale confiance à son équipe pour l’entraîner toujours plus loin.

Par la diversité des thèmes qu’il aborde, votre ouvrage peut laisser à penser que pour réussir, le dirigeant de PME doit être un véritable chef d’orchestre, disposant d’une réelle vision stratégique, de leadership, et maîtrisant tous les rouages économiques, marketing et financiers de l’entreprise. Alors, le dirigeant “Super Héros”, est-ce votre vision du manager de PME ?

Après plus de 25 ans comme PDG de PME, je me suis construit ma propre théorie sur la manière pour un dirigeant de tendre vers le meilleur, l’exceptionnel. Il lui faut avant tout, avoir la certitude que ce sont les hommes et les femmes qui constituent la principale ressource de l’entreprise. Il lui faut ensuite exiger le respect total d’un projet fort, cohérent, adopté par tous.

Enfin, il faut la conviction qu’il faut bien mener toutes les fonctions de l’entreprise, en s’efforçant d’optimiser plusieurs d’entre elles. Toutes les fonctions, mais aussi les systèmes, les processus, les règles.

Super Héros, non. Chef d’orchestre, incontestablement. Mais pas celui qui exerce une autorité sans faille, qui impose ses choix. Le leader, celui qui transmet à son équipe l’énergie, l’envie, les bonnes raisons pour qu’elle exécute ses décisions, ses choix.

Au-delà de toutes les compétences à mettre en œuvre pour développer son entreprise, quelle est selon vous la part accordée à la chance et inversement, comment prendre en compte la notion de risque dans la vie de l’entreprise ?

La prudence est nécessaire pour un PDG vis-à-vis de son personnel, mais aussi de ses actionnaires, des banquiers… Pour autant, dans une PME, le patron doit être celui qui incite à prendre des risques. Des risques indispensables pour toutes les entreprises qui veulent survivre dans un environnement si changeant, si compétitif.

Le PDG ne doit pas avoir peur d’entraîner son entreprise toujours plus loin. Et pour pouvoir prendre des risques, il doit accepter aussi d’échouer, il doit savoir reconnaître ses erreurs et en tirer des leçons. Le PDG, c’est un bon dosage de prudence et d’excès. Et à force de vaincre les difficultés il devient plus sage, plus apte à recevoir des coups, à absorber le maximum de stress. Cette souffrance qui fait partie de la vie. Et qui un jour vous quitte pour la réussite, parce que la chance vous sourit.

Un chapitre complet de votre ouvrage est consacré à la maîtrise du changement. Pourquoi est ce selon vous une dimension essentielle de la réussite ?

Il y a une conviction de base à avoir pour le dirigeant qui recherche la performance, c’est l’idée que l’environnement bouge en permanence, qu’il faut toujours avoir le changement, et à certains moments la révolution en tête. Ce qui signifie qu’à tout instant, il faut avoir des idées d’avance. Même lorsque l’environnement semble se stabiliser, quand la concurrence semble dormir, se demander ce qui peut être amélioré, changé, ce qui peut être apporté de nouveau.

C’est quand tout va bien qu’il faut changer. Pas quand l’environnement, votre position vous y obligent. Changer, s’adapter vite, c’est aussi une forme d’avantage concurrentiel.

Vient un moment aussi, où l’équipe n’a plus l’envie, le courage, où la lassitude s’installe. Une routine qui peut atteindre aussi des entreprises performantes. Il est temps de revoir son projet, peut-être de changer son PDG, de passer à une étape où un autre profil de dirigeant sera mieux adapté à une nouvelle phase de l’entreprise. Le leader doit aussi savoir à quel moment il doit se retirer pour l’avenir de l’entreprise. Pour son propre épanouissement et sa réussite.

À l’heure de la révolution numérique, des réseaux sociaux et de la génération Y, la fonction de dirigeant a t-elle réellement évolué selon vous ?

Les réseaux sociaux sont en train de bouleverser le marketing de tous les produits grande consommation, et avec un peu de décalage, de tout notre univers. Dans l’entreprise, ils modifient profondément la communication interne. Le dirigeant qui ne l’a pas encore compris risque de se retrouver complètement dépassé rapidement.

J’ai la conviction surtout que les changements de l’environnement économique et social sont en train de modifier encore plus le rôle du dirigeant. La recherche systématique de performance à court terme fragilise les entreprises. Elle déstabilise les salariés qui ne trouvent plus dans le travail la réponse à leurs attentes personnelles. Les relations se radicalisent. La loyauté s’éloigne. Les stratégies ne sont plus claires.

Plus que jamais, le rôle du dirigeant en tant que leader d’une équipe devient critique, s’il veut mener son entreprise à la performance. Il doit être un modèle d’engagement, de comportement. Celui qui motive, qui prend les risques. C’est un choix personnel. C’est possible encore.

Contrairement à la plupart des livres de management ou gestion de l’entreprise, vous osez aborder le thème de l’échec. En quoi cela peut il aider le lecteur ?

Le grand patron d’une multinationale délègue ses responsabilités. Le patron d’une PME, au contraire, doit assumer lui-même une très grande part des décisions. Et il ne peut pas se protéger, en limitant tous les risques d’erreur. Elle lui sert à apprendre, à s’améliorer, à avancer. Oui les patrons se trompent. Et si cela ne se produisait jamais, ce serait faute d’entreprendre, de décider.

Et la contrepartie de ces prises de risque, c’est qu’inévitablement il va affronter dans son parcours des difficultés, et peut-être aussi de véritables crises. Il faut s’y préparer et savoir les gérer car c’est dans ces moments qu’il est indispensable d’être le plus performant. Cela fait partie de la vie de chacun. Un mélange de souffrance et de maîtrise de soi qui varient selon les circonstances, selon les individus.

Mais un jour, c’est le trop plein, le lâchage d’une banque, voire la mise en redressement judiciaire pour laquelle vous n’étiez pas préparé. Ce jour-là le dirigeant perd une bonne partie de la maîtrise de son entreprise. Et pourtant, ce jour-là, plus que jamais il doit se surpasser pour trouver des solutions.

J’ai choisi de raconter mon aventure en ce sens pour ceux qui y seraient confrontés, mais aussi pour permettre aux autres de relativiser leurs difficultés. Pour montrer que ce sont des moments où malgré les grandes difficultés qu’il rencontre, le dirigeant doit mettre toute son énergie à être encore plus performant. Pour raconter qu’il est toujours possible de se relever.

En quelques mots, comment pourriez-vous résumer votre ouvrage ?

Toujours rebâtir, partager, convaincre, motiver, imaginer, rester sage. C’est l’histoire de ce livre. Un livre qui ne pratique pas la langue de bois, et à ne pas mettre dans les mains de ceux qui ne supportent pas les mots d’efficacité, de performance, de rentabilité, de gestion des ressources.

L’histoire de beaucoup de satisfactions, de partages, et d’un peu de douleur. D’un voyage passionnant. Pour servir de référence à tous ceux qui dirigent une PME, une organisation, et pour tous ceux qui s’y préparent ou qui en rêvent.

Au final, si vous deviez ne donner qu’un seul conseil à un futur dirigeant ?

Soyez un modèle de leader. Celui qui motive et rassemble. Celui qui délègue, qui décide, qui prend des initiatives, qui prend des risques. Celui qui est capable de rester dans l’ombre, ou de s’exposer si nécessaire. Le visionnaire qui prépare l’avenir, anticipe les besoins futurs, l’évolution des produits et de l’organisation. Celui qui donne envie aux autres de le suivre dans ses projets, ses objectifs. Celui qui aide les autres. Le capitaine du bateau.

Retrouver l’ouvrage de Patrick Dussossoy en version papier ou eBook : 50 étapes pour créer sa petite entreprise.