Gérer les effectifs de l’entreprise – Extrait du livre « Le contrôle de gestion sociale »

Dans toute direction générale d’entreprise, et en particulier en gestion des ressources humaines, le calcul des effectifs participe intégralement au pilotage de l’entreprise. Nous le constatons notamment dans le rapport annuel de gestion communiqué à l’ensemble des parties prenantes ou stakeholders : actionnaires, investisseurs, salariés… Le rapport annuel financier comprend les indicateurs clés tels que le carnet de commandes, le chiffre d’affaires, le résultat net et les effectifs. La direction générale doit posséder une vision d’ensemble de son organisation.

Nous utilisons la dénomination « effectifs » pour évoquer les salariés de l’entreprise. Le personnel de l’entreprise représente une ressource, un ensemble de compétences et de savoir-faire mis à la disposition de l’entreprise. Les salariés contribuent directement à la valeur ajoutée d’une société.

Dans son ouvrage Les employés d’abord, les clients ensuite, Vineet Nayar démontre le lien entre la motivation, l’implication des salariés et la croissance des performances de l’entreprise. Vineet Nayar est le PDG d’une des plus grandes multinationales indiennes de services informatiques qui connaît une croissance très forte grâce à sa conduite du changement et à ses techniques de management innovatrices. Comme dans toute entreprise de services, le point fort réside dans l’interaction entre les salariés et les clients. Selon Vineet Nayar : « C’est grâce à nos employés et à leurs compétences que de telles opportunités (signature d’un très important contrat) s’offrent à nous, nous permettant de démontrer la vraie valeur que les HCLTiens fournissent à nos clients. » Vineet Nayar explique que la stratégie d’entreprise consiste à déterminer les projets et la direction à suivre mais le plus important réside dans la manière d’atteindre l’objectif. En d’autres termes, la mise en œuvre d’une stratégie d’entreprise doit prévoir la manière dont la société dirigera ses structures et ses équipes, afin de garantir son succès.

Au-delà d’un chiffre, la notion d’effectif renferme une vision et une organisation indispensables à la pérennité de la société.

Le pilotage des effectifs consiste à rechercher l’équilibre optimal entre les besoins de compétences et les ressources disponibles. Plusieurs facteurs influencent cet équilibre et peuvent le fragiliser. Tout d’abord, la direction générale détermine une stratégie à court et moyen terme. En fonction des objectifs de développement d’activités, de réorganisation, de réduction de coûts, d’implantations à l’international, l’entreprise ajustera les compétences en fonction des besoins. Ensuite, le contexte économique contraint permet difficilement d’anticiper les bouleversements des marchés sur lesquels opèrent les entreprises. Par voie de conséquence, anticiper les besoins futurs de main-d’œuvre relève d’une tâche ardue mais néanmoins essentielle.

Définition des effectifs

Le point de départ consistera à définir la méthode de calcul des effectifs : en effet, elle diffère en fonction des obligations légales mais aussi des pratiques d’entreprise.

Les effectifs légaux ou seuils sociaux

Les effectifs permettent à l’administration française de déterminer les obligations qui en découlent. Les entreprises sont ainsi soumises à des obligations sociales ou en sont exonérées, selon le nombre de salariés que compte l’entreprise.

En ce sens, la détermination des effectifs représente un exercice obligatoire. Le calcul des seuils sociaux constitue le premier article du Code du travail sur les relations individuelles du travail, ce qui démontre l’importance de sa définition.

Selon l’article L. 1111-2 du Code du travail, les effectifs de l’entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes :

  • Les salariés titulaires d’un CDI à temps plein (les temps partiels sont comptabilisés en fonction de leur temps de présence dans l’entreprise par rapport à la durée conventionnelle du travail).
  • Les salariés titulaires d’un CDD à temps plein à due proportion de leur temps de présence dans l’entreprise au cours des douze mois précédents (les temps partiels sont comptabilisés en fonction de leur temps de présence dans l’entreprise par rapport à la durée conventionnelle du travail).
  • Les salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent.
  • Les salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure (si présents dans les locaux de l’entreprise et y travaillant depuis au moins un an).
  • Les salariés temporaires à due proportion de leur temps de présence dans l’entreprise au cours des douze mois précédents.

Plusieurs définitions légales subsistent en fonction de l’objectif poursuivi : participation à la formation professionnelle continue, réduction générale de cotisations sociales, tarification Accidents du Travail – Maladies Professionnelles, obligation d’emploi des travailleurs handicapés…

Il existe des discussions gouvernementales afin d’atténuer le déclenchement de nouvelles obligations légales. La principale mesure consisterait à geler les nouvelles obligations pendant un certain nombre d’années, par exemple trois ans. Cette progression dans le nombre d’obligations légales permettrait à l’entreprise de mieux s’organiser et d’atténuer ainsi leur poids dans la gestion courante de l’entreprise.

Le tableau récapitulatif, ci-après, présente les principales obligations liées aux seuils d’effectifs.

Nombre de salariés

Obligations légales

1

Document unique d’évaluation des risques

Registre unique du personnel

Visites médicales

Déclaration préalable à l’embauche

11

Délégués du personnel

20

Règlement intérieur

50

Comité d’entreprise (CE)

Comité d’hygiène et sécurité du travail (CHSCT)

Négociation annuelle obligatoire (NAO)

Déclaration mensuelle obligatoire des mouvements de main-d’oeuvre (DMMO)

Accords seniors et égalité hommes/femmes

Base de données unique

300

Bilan social

Négociation triennale de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC)

Tableau synthétique non exhaustif

Le nombre d’obligations légales en matière sociale croît de concert avec le nombre de salariés et augmente substantiellement à partir de cinquante salariés. Il semblerait qu’il existe 25 fois plus d’entreprises de 49 salariés que d’entreprises de 50 salariés !

Le point le plus marquant consiste à mettre en place un comité d’entreprise. La création d’un comité d’entreprise nécessite tout d’abord l’organisation d’élections professionnelles. Selon l’article L. 2323-1 du Code du travail : « Le comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. » Le chef d’entreprise assurera une information qui visera à éclairer la consultation du comité d’entreprise et mettra à sa disposition un budget de fonctionnement légal ainsi que les œuvres sociales. Les missions dévolues au CHSCT se sont étendues au fil des années. La prévention en santé et sécurité nécessite des moyens financiers d’accompagnement.

Le chef d’entreprise se doit de connaître ses effectifs afin de respecter les obligations afférentes au seuil d’effectif concerné.

La période de référence

Les effectifs se calculent mois par mois. Dans le cadre du contrôle de gestion sociale, les effectifs se mesurent sur une période d’un an afin de concorder avec l’année budgétaire de référence. La date de l’exercice fiscal de l’entreprise déterminera la période annuelle de référence. En France, l’année fiscale de référence démarre le 1er janvier et se termine le 31 décembre, même si les entreprises peuvent choisir une période différente. Au Japon, l’année fiscale se situe entre le 1er avril et le 31 mars de l’année suivante.

Les types de contrat

La notion de contrat de travail, répond, selon la jurisprudence à la présence de trois éléments essentiels : une prestation de travail en échange d’une rémunération, sous la subordination de l’employeur. Le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, lequel possède le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution des tâches et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’entreprise compte les salariés sous contrat à durée indéterminée (CDI) et les salariés sous contrat à durée déterminée (CDD).

Selon l’article L. 1111-3 du Code du travail, ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise :

  • les apprentis ;
  • les titulaires d’un contrat initiative-emploi ;
  • les titulaires d’un contrat de professionnalisation.

Les entreprises comptabilisent leurs effectifs sous contrat (CDI ou CDD). Les effectifs externes sont comptés généralement séparément. Les intérimaires et sous-traitants représentent des ajustements de personnel qui se matérialisent par des facturations envers des sociétés d’intérim ou de prestation.

Selon l’article L. 1251-1 du Code du travail : « Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d’un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.

Chaque mission donne lieu à la conclusion :

  • D’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice ».
  • D’un contrat de travail, dit « contrat de mission », entre le salarié temporaire et son employeur, l’entreprise de travail temporaire ».

Le travail temporaire apporte de la flexibilité à l’entreprise, en ajoutant des ressources et compétences ciblées pour un besoin en particulier. La notion de besoin temporaire s’avère déterminante, dans la mesure où le recours à ce type de personnel relève d’un besoin imprévu de main-d’œuvre. Lorsque la nécessité provient de l’activité régulière de l’entreprise, le recours à des entreprises de travail temporaire n’est plus possible.

La prestation de service relève d’un contrat commercial entre une entreprise et un prestataire de services, quelle que soit la structure juridique de ce dernier. La jurisprudence encadre ce type de prestation, afin de lutter contre le travail dissimulé (article L. 8221-5 du Code du travail), le prêt de main-d’œuvre illicite (article L. 8241-1 du Code du travail) et le marchandage (article L. 8231-1 du Code du travail).

Il est possible de mesurer l’effectif selon trois méthodes principales :

  • Effectif fin de mois : nous prenons une photographie, à un moment donné, le dernier jour du mois, de l’état des effectifs. Cette mesure présente l’avantage de la simplicité.
  • Effectif moyen : effectif calculé en moyenne sur le mois considéré (effectif le premier jour du mois + effectif le dernier jour du mois) ÷ 2. Cette méthode de calcul permet de mieux appréhender les ressources réellement disponibles.
  • Effectif pondéré ou Équivalent Temps Plein (ETP). En effet, les missions et tâches confiées à un salarié sont proportionnées en fonction du temps de travail. L’objectif de l’Équivalent Temps Plein consiste à mesurer la capacité de travail dévolue à une mission. La méthode de l’ETP s’utilise très fréquemment dans un exercice budgétaire.

En effet, la production d’un produit ou d’une prestation de service nécessite une capacité de travail. Cette mesure proratise l’effectif en fonction du temps de travail et permet de calculer de manière proportionnelle les temps partiels. Depuis l’application de la loi de sécurisation de l’emploi, le temps partiel minimum s’élève à 24 heures par semaine, sauf demande expresse du salarié, soit 68 % du temps de travail d’un Équivalent Temps Plein.

En effet, les attentes sur le poste diffèrent si le salarié dispose de 1, 2, 3, 4 ou 5 jours de travail par semaine par exemple. Nous considérons qu’un salarié à temps plein compte pour 1 effectif. Un salarié qui travaille à 80 % sera comptabilisé alors comme 0,8 effectif au lieu de 1. Cette méthodologie permet, en outre, de corréler les effectifs avec la masse salariale. Cette méthode porte le mérite d’informer sur les ressources réellement disponibles pour l’entreprise.

Exemple

Dans une entreprise de prestation informatique, le chef de service réseau souhaite compter ses effectifs pour le mois d’octobre. Le service se compose de cinq salariés. Damien, ingénieur réseau, est arrivé le 1er octobre. Son collègue Antoine travaille trois jours par semaine. L’assistante du directeur avait besoin d’une aide ponctuelle. Sandrine est arrivée le 10 octobre et terminera son contrat le 10 décembre. Le chef de service et son assistante sont salariés de cette entreprise depuis plus de dix ans. Quel est l’effectif de ce service, selon les trois méthodes de comptabilisation ?

Méthode de l’effectif fin de mois

  • Damien = 1
  • Antoine = 1
  • Sandrine = 1
  • Chef de service = 1
  • Assistante = 1
  • Total = 5

Il s’agit d’un arrêt sur image le dernier jour du mois, peu importent les mouvements réalisés au cours de ce mois.

Méthode de l’effectif moyen

  • Damien = 1
  • Antoine = 1
  • Sandrine = (0 + 1) ÷2 = 0,5
  • Chef de service = 1
  • Assistante = 1
  • Total = 4,5

La moyenne permet d’être plus précis, mais nécessite un calcul supplémentaire. L’utilité doit donc être démontrée selon le contexte de l’entreprise.

Méthode de l’Équivalent Temps Plein

  • Damien = 1
  • Antoine = 0,6
  • Sandrine = 0,33
  • Chef de service = 1
  • Assistante = 1
  • Total = 3,93

Cette méthode ajuste le personnel en fonction du temps consacré à la mission. Cet indicateur s’utilise particulièrement lorsque nous mettons en concordance le budget « masse salariale » et les effectifs. Cette mesure assure ainsi une cohérence de chiffres et une juste proportion entre l’effectif et le coût du travail.

Cas particuliers

L’entreprise se retrouve parfois dans des situations où la comptabilisation des effectifs n’est pas aisée.

Par exemple, lorsque le contrat de travail est suspendu, comment faut-il compter les effectifs ?

Le contrat de travail peut être suspendu pour différentes raisons : congé parental, expatriation, congé sabbatique… Le salarié n’est pas payé. Par conséquent, lorsque le contrat est suspendu, il faut exclure le salarié des effectifs actuels.

La comptabilisation des effectifs par l’entreprise

L’entreprise décide du mode de calcul des effectifs selon son propre système de gestion.

Le mode de calcul le plus fréquent consiste à compter les effectifs actuels en Équivalent Temps Plein (ETP).

L’entreprise dispose d’un autre indicateur qui consiste à recenser tout simplement le nombre de postes occupés, à savoir un poste par un salarié, même si celui-ci travaille à mi-temps. Cette méthodologie comptabilise le nombre de postes ouverts, et non pas les ressources disponibles pour effectuer les tâches et les missions.

Dans l’exercice budgétaire, nous privilégierons les effectifs réels en Équivalent Temps Plein. La comparaison entre le nombre de postes budgétés et le nombre de salariés en ETP nous permettra d’identifier les postes vacants et ainsi déterminer si l’entreprise souhaite initier un recrutement ou renoncer à pourvoir le poste.

Les contrats temporaires et les salariés d’entreprises extérieures sont donc exclus de l’exercice budgétaire de la masse salariale. Par contre, ils seront intégrés dans les dépenses de frais généraux de l’entreprise en personnel intérimaire et en honoraires.